« Privilège masculin », « Privilège blanc », « Privilège hétéro », la notion de privilège est au cœur de la pensée et des luttes féministes. Mais de quoi parle-t-on exactement ?
Qu’est-ce qu’un privilège social ?
Les privilèges sociaux peuvent se définir comme un ensemble d’avantages, tangibles et intangibles, plus ou moins institutionnalisés, dont jouirait un groupe social donné – hommes, « blanc.h.es », hétérosexuel.l.e.s,… – à l’exclusion de tous les autres groupes. Il est important de noter que le privilège social n’est pas le fait d’un.e individu.e en particulier mais est un effet systémique et structurel. Par exemple, indépendamment de leur identité propre, un homme ou une personne blanche auront statistiquement plus de chance de décrocher un job qu’une femme ou qu’une personne racisée grâce aux seuls effets de leur genre ou de leur couleur de peau qui agissent comme des privilèges à l’échelle de la société toute entière.
La cécité aux privilèges
En théorie, la majorité des gens souscrivent à l’idée qu’il n’est pas acceptable de maintenir un système de privilèges octroyant des droits aux un.e.s et discriminant les autres (Dovidio & Gaertner, 1991). Pourtant, en pratique, ces systèmes de privilèges perdurent et, très souvent, à l’insu des bénéficiaires, même sensibilisé.e.s.
Comment expliquer cette cécité aux privilèges de la part de ceux et celles qui se déclarent – voire militent – contre les discriminations ?
Les études de psychologie sociale nous fournissent quelques pistes intéressantes dont spécifiquement les théories des « conduites inconscientes »
En matière de privilèges, celles-ci consisteraient en des formes d’irrationalité intériorisées par les privilégié.e.s, ces dernier.e.s feraient face aux discriminations de manière « routinisée » et reproduiraient, pour la plupart d’entre eux/elles, les systèmes de privilèges de manière inconsciente et involontaire. Ainsi, dans l’exemple du recrutement professionnel, les DRH privilégieront un homme ou une personne blanche en établissant inconsciemment une liste de critères de sélection défavorables aux femmes et aux personnes racisées quitte à intégrer des éléments sans rapport avec les tâches à effectuer.
Source : revue internationale de psychologie sociale
Prêt.e à ouvrir les yeux ? Fais le test !
Maintenant que tu es mieux outillé.e, passons à l’action avec un test te permettant de mesurer à quel point tu es privilégié.e !
Question 0/32
Je suis un homme.
Je n’ai jamais eu honte des quartiers dans lesquels j’ai vécu.
Je suis blanc.he.
Je peux montrer, en public, des signes d’affection à la personne que j’aime sans avoir peur de subir des moqueries ou de la violence.
Je ne dois pas puiser dans mes congés annuels pour célébrer les fêtes de ma religion.
Mes parents avaient un travail plus ou moins dans les heures de bureau.
Je n’ai jamais eu de maladie ou d’handicap physique et/ou mental.e.
Je n’ai jamais subi de moqueries ou discriminations en raison de ma couleur de peau ou de mon origine.
Je suis hétéro.
Je peux circuler dans la rue le soir ou voyager sans avoir peur de subir une agression sexuelle.
Ma langue maternelle est l'une des trois langues officielles de la Belgique.
Je ne dois pas chercher mes produits d’hygiène et/ou de beauté dans des magasins spécialisés (couleur de peau, texture de cheveux, …)
On ne me demande pas régulièrement d’expliquer des aspects de ma culture ou de ma religion.
Mon âge ou ma santé n’impactent pas mon accès à un crédit bancaire (refus, cotisations plus chères,…).
Enfant, je n’ai jamais eu honte de mes habits ou de ma maison.
Quand je fais des erreurs ou que je m’emporte, je ne crains pas qu’on attribue mon comportement à l’un des groupes sociaux auxquels j’appartiens.
Je suis né.e en Belgique.
Je ne travaille ni à temps partiel, ni en CDD.
Je ne dois pas me renseigner sur l’accessibilité des endroits où je veux me rendre.
Je me suis toujours identifié.e au genre avec lequel je suis né.e.
Quand je regarde la télé, je vois régulièrement des personnes qui me ressemblent dans des rôles valorisants.
Mon âge n’est pas un obstacle pour trouver du boulot.
Je m’exprime toujours sans avoir peur qu’on m’accuse de victimisation et/ou qu’on me dise que je n’ai pas d’humour.
Je n’aurais pas peur d’appeler la police si je me sentais en danger.
Je peux exprimer mes émotions positives ou négatives sans peur du jugement social.
Ma carte d’identité est renouvelée automatiquement après expiration.
Je n’ai jamais eu à cacher mon orientation sexuelle ou craindre la réaction de mes parents à ce propos.
Mes parents pourraient m’aider financièrement en cas de gros coup dur.
Mes convictions religieuses ne font pas particulièrement l’objet de polémiques au sein de la société.
Je n’ai jamais subi de moquerie et/ou jugement à cause d’une maladie physique ou mental.e ou d’un handicap.
Je ne me sens pas moins attirant.e à cause de mon âge.
Je n’ai jamais été la seule personne différente de mes collègues et/ou de mes camarades de classe au regard de ma couleur de peau, de mon origine, de mon orientation sexuelle, de ma religion et/ou de ma santé.
« Tu es moins privilégié.e que la moyenne des gens. N’hésite pas à t’informer auprès de collectifs ou associations qui luttent contre les discriminations dont tu fais l’objet. »
Généraliste: www.unia.be
Spécifique:
« Tu es plus privilégié.e que la moyenne des gens. N’hésite pas à remettre en question les privilèges dont tu jouis et à poser des actes concrets pour lutter contre les discriminations que subissent certaines personnes qui t’entourent »
Comment recouvrer la vue ?
Pas de panique, malgré ces forces inconscientes qui nous poussent à reproduire les systèmes de privilèges, il est possible d’en sortir et de devenir un.e allié.e adéquat.e en deux étapes :
Étape n°1:
Oser se confronter à ses privilèges et prendre conscience de la place qu’on occupe réellement dans divers systèmes sociaux d’oppression notamment par le biais d’outils de conscientisation.
Étape n°2:
Poser des actes concrets visant à atteindre plus de justice sociale quitte à perdre certains de ses privilèges. Par exemple, une piste concrète serait de systématiquement verbaliser ta désapprobation lorsqu’une personne fait devant toi une remarque ou blague sexistes, racistes, homophobes, etc…Une récente étude de l’ULB démontre, d’ailleurs, que la confrontation est la méthode la plus efficace pour modifier des comportements sexistes ( Melotte, 2018 ) https://www.ulb.ac.be/rech/inventaire/chercheurs/0/CH14260.html
Aller plus loin ?
Découvre « Démasquons nos privilèges » la campagne Esperanzah! 2019. Nous allons explorer les privilèges de genre, de classe, de race, lié à l’identité religieuse, à l’identité sexuelle et aux dispositions physiques.
CRÉDITS
Ce test a été élaboré par Hassina Semah, sociologue et psychologue clinicienne, spécialisée dans les violences conjugales et interculturelles ; major de la première promotion du master francophone de spécialisation en études de genre ; membre de collectifs féministes : « Resisters », « Collecti.e.f 8 maars ».
Le test est créé à partir des catégories discriminatoires de la « matrice de domination » (Hill-Collins, 1990), est une collaboration avec le média Les Grenades, de la RTBF, coordonné par Safia Kessas et a été opérationalisé par Greenpig.